Magazine CED: Autour de 1830 (EXTRAIT)

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A propos de Canal Educatif Un projet pour stimuler le goût des savoirs... 1 Qui sommes-nous ?

Canal Educatif à la Demande (CED) est un projet philanthropique fondé en 2007. • Un objectif : produire des vidéos éducatives de haute qualité et les diffuser sur le web pour démocratiser l’accès à la culture et contribuer à stimuler le goût des savoirs et de la recherche. • Une ambition : relever

constamment le niveau de qualité scientifique, scénaristique et artistique de ses vidéos pour fédérer talents et financements au service de l’éducation. • Une communauté : audelà d’une équipe réduite basée à Paris, le CED est un projet à l’écoute de sa communauté d’inscrits et donateurs et ouvert aux nouveaux talents.

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Canal Educatif s’adresse à tous les curieux, mais il offre des possibilités d’utilisation très souples en lien avec la classe : • Consultation gratuite des

vidéos sur le site Canal Educatif. • Pré-commande de DVD ou téléchargement HD pour une projection haute qualité en classe. • Insertion de nos vidéos sur un blog personnel ou un site public via la fonction de syndication. • Téléchargement la vidéo en qualité standard via le podcast.

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Présentation du document ... et ce dossier pour nourrir votre curiosité en lien avec la vidéo. Pourquoi ?

Ce complément historique vise à prolonger le contenu de la vidéo disponible en ligne, en approfondissant tout particulièrement les enjeux de la révolution de 1830. • Quelles idées sont véhiculées par 1830 ? • Pourquoi aboutit-elle à une nouvelle monarchie constitutionnelle ? • Pourquoi le souvenir des Trois Glorieuses est-il si embarrassant ? Le champ historique choisi (1814-1848), volontairement large, permet de situer l’événement dans un siècle de lent apprentissage de la démocratie en France.

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Avec le symbole de la pellicule retrouvez les images qui apparaissent dans la vidéo et leur minutage !

Par qui ?

Deux auteurs : • Aude Lecouturier, enseignante d’histoire en collège. • Côme Fabre, historien de l’art, responsable éditorial arts du Canal Educatif. Leurs partis-pris : • Revoir plus en profondeur de nombreuses images d’époque présentes dans la vidéo : portraits, tableaux d’histoire, gravures satiriques, monuments publics (dont certains difficilement visibles par le public pour des raisons d’accrochage ou de conservation). • Traiter les images comme des sources historiques critiquées en tant que telles et non comme de simples illustrations.

Et après ?

La vidéo Delacroix permet bien d’autres prolongements : • La philosophie : Tocqueville et Leibniz. • La littérature : le drame romantique. Si vous vous sentez l’âme d’un passeur de culture désireux d’écrire de futurs compléments de ce genre, n’hésitez pas à nous contacter.

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Sommaire 3

Ancien 1ère

1er

Régime République

Empire

Chap. 1 : La Restauration Louis XVIII

Charles X

p.6 Un fragile équilibre p.7 Deux conceptions du pouvoir p.9 Le temps de la critique p. 13 Le bras de fer

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Chap. 2 :

27, 28,


Les Trois Glorieuses Chap. 3 : La monarchie de Juillet

, 29 juillet 1830 p. 19 Echec au roi p. 21 Dans les coulisses

2nde République

Louis-Philippe Ier

p. 26 A qui profite la Révolution ? p. 29 1830, un héritage embarrassant p. 32 Pourquoi les républicains font-ils peur ? p. 35 Le conservatisme au pouvoir p. 37 Que reste-t-il de 1830 ? Conclusion

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La Restauration 1814 - 1830

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Un fragile équilibre Deux frères, deux conceptions du pouvoir

A

La Charte de 1814

u lendemain de la chute de l’empereur Napoléon Ier, battu par l’ensemble des souverains coalisés d’Europe, la place est libre pour le retour des Bourbons, c’est-à-dire les deux frères cadets de Louis XVI qui retrouvent le trône après plus de quinze ans d’exil.

1814 : une monarchie à l’anglaise

Or depuis 1789, l’ordre politique et social en France a totalement changé. Par conséquent il n’est pas question de rétablir la monarchie absolue. Les acquis fondamentaux de la Révolution, formulés dans la déclaration des droits de l’homme, sont conservés. Sur le plan politique, on opte pour une monarchie « à l’anglaise », où le pouvoir royal est tempéré par deux chambres de représentants de la nation, élus par les propriétaires fonciers les plus riches. La répartition des pouvoirs est codifiée par une constitution appelée « la Charte », un terme médiéval qui convient bien à l’esprit passéiste du régime. Mais l’équilibre est fragile : tout l’enjeu de la Restauration tient dans l’interprétation de la Charte. Dans quelle mesure le roi, qui seul a l’initiative des lois et possède les moyens de les faire passer de force, doit-il tenir compte des désirs de la nation ?

Premier des deux frères revenus d’exil, Louis XVIII est un chef d’Etat lucide, attaché au respect de la monarchie mais conscient des évolutions inéluctables de l’Histoire. Il travaille à réconcilier les Français avec l’idée de monarchie en acceptant les principes fondamentaux de la Révolution : égalité civile des hommes, prise en compte de la souveraineté nationale à travers le parlement. Il s’efforce de contenir la pression exercée par les ultra-royalistes menés par son frère Charles, qui souhaitent redonner un pouvoir politique à l’aristocratie et à l’Eglise. Or en 1824, Louis XVIII meurt sans descendance, c’est donc Charles qui lui succède.

Les « gaffes » de Charles X

Dès son accession au trône, Charles X entend bien relire la Charte dans un sens beaucoup plus monarchiste. Il persiste à garder une vision cyclique de l’Histoire : pour lui, la Révolution n’a été qu’une crise passagère, la monarchie reste le seul régime qui convienne à la « France éternelle ». Afin que la monarchie se rétablisse pour plusieurs siècles, il faut que les Français réapprennent à la respecter comme un phénomène sacré et intangible. Pour cela, Charles X prend

appui sur l’Eglise et les grands propriétaires fonciers, pivots de l’ordre social. Des lois visent à leur donner davantage d’influence : Il fait voter la modification du système électoral : un double vote est octroyé aux plus riches des imposés ; Une indemnité de près d’un milliard de francs est versée aux anciens aristocrates émigrés dont les biens avaient été confisqués pendant la Révolution : c’est le « milliard des émigrés », voté le 23 mars 1825 par le parlement ; Le roi prend des mesures favorables à l’Eglise catholique redevenue « religion d’Etat » et fait voter en janvier 1825 « la loi du sacrilège » punissant sévèrement tout vol d’objet de culte.

Mais la décision la plus spectaculaire est celle du sacre : Charles X tient beaucoup à la notion de droit divin : il reste persuadé que c’est directement de Dieu, et non des hommes, qu’il détient son pouvoir politique. Il est donc logique pour lui de se faire sacrer à Reims, comme ses ancêtres. Alors que Louis XVIII avait préféré éviter cette cérémonie que l’opinion libérale aurait pu prendre comme une provocation, son frère prend le risque d’ignorer l’anachronisme flagrant. ■

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Louis XVIII, le réconciliateur La mise en scène donne l’illusion d’entrer comme par effraction dans le bureau, lieu intime du souverain. Au centre de la bibliothèque fournie, un régulateur, pendule extrêmement précise. Des journaux et des plans sur les chaises. Erudition, précision, information et travail : Louis XVIII se présente comme un chef d’Etat moderne, gestionnaire et administrateur. Un air de déjà vu… Le peintre connaissait très bien le portrait de Napoléon dans son bureau (ci-dessous) peint par David : Gérard est l’élève de David et a été un portraitiste apprécié de l’empereur. Le décor rend avec exactitude l’aspect du bureau privé du roi aux Tuileries, qui n’est autre que l’ancien bureau de Napoléon Ier. A part la table, le roi n’a rien changé au mobilier style Empire : avec cynisme et esprit, Louis XVIII admettait volontiers que l’empereur avait été « un bon locataire » qui avait du goût.

Le portrait féminin très flou est peut-être une évocation de la comtesse Zoé du Cayla, maîtresse du roi et commanditaire de ce portrait. Le tableau plaît tellement au roi qu’il est abondamment copié et gravé : Louis XVIII a compris qu’un tel portrait popularise son image bien plus efficacement que l’autre où il porte l’antique manteau royal.

Le roi choisit d’apparaître en uniforme noir à épaulettes : la Restauration, régime né de la défaite militaire de la France impériale, souhaite montrer qu’elle est capable de relever la gloire perdue du pays, grâce à de hauts faits militaires. L’année même où ce portrait est peint, la France mène une expédition militaire victorieuse en Espagne.

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Louis XVIII porte à la fois l’ordre royal du Saint-Esprit créé au XVIe siècle par Henri III, et l’ordre nouveau de la Légion d’honneur créé par Napoléon en 1802. Procédé simple pour concilier l’ancienne France avec la nouvelle, l’aristocratie et la méritocratie. François Gérard, Louis XVIII dans son bureau, 1823, musée national du château de Versailles © RMN

La petite table en pin nordique est un souvenir personnel. Elle a accompagné le souverain durant son long exil en Russie puis en Angleterre. Elle démontre les goûts simples du roi, de rigueur alors que la France doit verser de lourdes réparations de guerre aux puissances alliées.

Le titre complet est « Louis XVIII dans son bureau aux Tuileries, méditant la Charte ». Il n’a jamais rédigé ce texte, il l’a seulement approuvé et signé. Mais le tableau insiste sur l’implication du souverain et son respect du principe constitutionnel de la monarchie.

Louis XVIII est obèse et impotent. Paralysé par la goutte, il ne peut se montrer qu’assis. La maladie est le prétexte invoqué officiellement pour ne pas organiser de sacre. Mais la vraie raison est politique: un sacre, cérémonie coûteuse et archaïque, rendrait le régime impopulaire aux yeux de l’opinion française libérale. Son frère Charles ne fera pas ce calcul… « Vous vous plaignez d’avoir un roi sans jambes », aurait dit Louis XVIII un jour, « mais vous verrez lorsque vous aurez un roi sans tête ! »

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Charles X, le réactionnaire ´3 min 15

Dais rouge, colonne, estrade, trône, autant d’attributs archaïques du pouvoir politique, pour la plupart hérités de l’Antiquité. Le portrait réalisé en 1824 par François Gérard applique scrupuleusement le schéma défini depuis plus d’un siècle par le prototype absolu en la matière : le portrait de Louis XIV par Rigaud, peint en 1701 (ci-dessous). Comme si rien n’avait changé, Charles X se glisse dans la peau de son trisaïeul.

Le palais à l’architecture classique – voûte en berceaux à caissons – peut évoquer certains lieux du palais des Tuileries. En réalité, il est largement imaginaire. La perspective fuyante et sombre de l’arrière-plan sert à mettre en valeur le visage illuminé et la collerette éclatante du roi.

Contrairement à Louis XVIII, pas de trace de la Légion d’honneur. Le cordon du Saint-Esprit seul peut apparaître sur le manteau royal : le respect rigoureux de la tradition monarchique est bien incompatible avec l’acceptation des acquis de la Révolution. A noter aussi : l’absence totale de la Charte…

8 Unique adaptation à l’air du temps : le style du mobilier, fidèle au néoclassicisme en vogue depuis la fin du XVIIIe siècle. Concession bien maigre au monde contemporain…

La couronne et la main de justice sur le tabouret, le sceptre à la main. Tout comme le manteau d’hermine à fleurs de lys d’or, ces « regalia » – en latin, insignes royaux – sont des reconstitutions : tous les originaux ont été détruits par les révolutionnaires en 1792. La couronne que l’on voit est virtuelle : celle qui a été utilisée lors du sacre de Charles X était une pseudo couronne de Charlemagne (ci-dessous, Louvre) fabriquée sur ordre de Napoléon ! François Gérard, Charles X en costume de sacre, 1824, musée national du château de Versailles © RMN L’estrade affirme la supériorité naturelle du roi. Contrairement à son frère aîné, Charles X a choisi de se faire sacrer : c’est « l’oint du Seigneur », lieutenant de Dieu sur terre. Pourtant, la légendaire sainte Ampoule contenant l’huile sacrée avait été détruite sous la Révolution. Enfin, le procès et l’exécution en 1793 de Louis XVI, au préalable ravalé au rang de« citoyen Louis Capet », avaient largement désacralisé la personne royale aux yeux de l’opinion.

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Sacre et sarcasmes Comment Charles X perd la bataille de l’image Chateaubriand

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Chateaubriand : un regard amer et ironique sur le sacre

Issu d’une ancienne famille aristocratique bretonne, chrétien fervent, François-René de Chateaubriand avait accueilli avec enthousiasme le retour des Bourbons en 1814. Pourtant, selon lui, le sacre est un fiasco. Il faut toutefois avouer que sa vision n’est pas exempte de ressentiment personnel : d’abord très proche de Louis XVIII, devenu pair de France et plusieurs fois ministre, Chateaubriand entre rapidement en conflit avec les gouvernements suivants et finit par tomber définitivement en disgrâce lorsque Charles X monte sur le trône. Il rejoindra par la suite le parti libéral dans son combat pour la liberté de la presse. Mais son témoignage montre qu’il est capable d’une analyse beaucoup plus profonde du problème.

« Reims, 26 mai 1825, J’écris cette page de mes Mémoires dans la chambre où je suis oublié au milieu du bruit. J’ai visité ce matin Saint-Rémi et la cathédrale décorée de papier peint. […] Le sacre de Charles X vient immédiatement après celui de Louis XVI. Charles X assista au couronnement de son frère ; […]. Sous quels heureux auspices Louis XVI ne montait-il pas au trône ? Comme il était populaire en succédant à Louis XV ! Et pourtant qu’est-il devenu ? Le sacre actuel sera la représentation d’un sacre, non un sacre : nous verrons le maréchal Moncey, acteur au sacre de Napoléon, ce maréchal qui jadis célébra dans son armée la mort du tyran Louis XVI, nous le verrons brandir l’épée royale à Reims […]. A qui cette parade pourrait-elle faire illusion ? Je n’aurais voulu aujourd’hui aucune pompe : le Roi à cheval, l’église nue, ornée seulement de ses vieilles voûtes et de ses vieux tombeaux, les deux Chambres présentes, le serment de fidélité à la Charte prononcé à haute voix sur l’Evangile. C’était ici le renouvellement de la monarchie !

[…] Le peuple a été amené à penser qu’un rite pieux ne dédiait personne au trône, ou rendait indifférent le choix du front auquel s’appliquait l’huile sainte. Les figurants à Notre-Dame de Paris, jouant pareillement dans la cathédrale de Reims, ne seront plus que les personnages obligés d’une scène devenue vulgaire : l’avantage demeurera à Napoléon qui envoie ses comparses à Charles X. La figure de l’Empereur domine tout désormais. Elle apparaît au fond des événements et des idées ». « Reims, samedi, veille du sacre. J’ai vu entrer le Roi ; j’ai vu passer les carrosses dorés du monarque qui naguère n’avait pas une monture ; j’ai vu rouler ces voitures pleines de courtisans qui n’ont pas su défendre leur maître. Cette tourbe est allée à l’église chanter le Te Deum, et moi je suis allé voir une ruine romaine et me promener seul dans un bois d’ormeaux appelé le bois d’Amour. J’entendais de loin la jubilation des cloches, je regardais les tours de la cathédrale, témoins séculaires de cette cérémonie toujours la même et pourtant si diverse

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suite page 11


Téléchargez l’intégralité du magazine « Autour de 1830 » 37 pages d’articles et d’images commentées. Un concentré d’histoire des arts à la fois expert, accessible et distancié élaboré conjointement par Côme Fabre auteur de la vidéo Delacroix, jeune conservateur du patrimoine, et Aude Lecouturier, enseignante d’histoire au collège.

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